Bibi/Obama : diplomatie sur le ring

Retour sur la rencontre Barak Obama/Binyamin Netanyahou.

Bibi Obama (photo credit: AP)
Bibi Obama
(photo credit: AP)
Don King, lui-même - pourtant célèbre pour ses escroqueries, ses démêlés avec la justice et ses combats de boxe - n'a jamais réussi à provoquer autant de tapage médiatique que la rencontre au sommet entre Barak Obama et Binyamin Netanyahou à la Maison Blanche. Chacun pouvait escompter à juste titre quelques rififis entre le président américain "colombe" et le Premier ministre israélien "faucon".
Néanmoins, lorsque les deux gentlemen ont posé pour la traditionnelle séance photo, ils n'ont offert aux caméramans que des expressions polies. Aucun signe apparent de désaccord, aucune discussion animée, quelques sourires ont même ponctué la conversation. Une entente de circonstance, apparemment savamment mise en scène. La journaliste Ayala Hasson insistera même sur la télévision israélienne : "Vous auriez dû être dans la pièce pour mesurer la chaleureuse atmosphère, la merveilleuse ambiance entre les deux dirigeants, combien cette alchimie avait été méticuleusement calculée."
En réalité, ce qui s'est réellement joué à la Maison Blanche, lundi 18 mai dernier, n'est autre qu'une démonstration de divergences profondes, un combat dont ne pouvait sortir qu'un seul vainqueur. La superpuissance outre-Atlantique n'a montré aucune intention de rééquilibrer les positions adoptées par le nouveau locataire de la Maison Blanche. De son côté, la démocratie moyen-orientale, plutôt que de venir se cogner contre un mur, a opté pour la retraite la plus digne possible.
Quelques fuites ont permis de clarifier les positions américaines. Le nouveau président américain entend imposer sa solution au Moyen-Orient et le nouveau Premier ministre israélien veut prouver qu'il en fait partie. Imperturbable malgré les échecs des précédentes administrations américaines, Obama cherche à mettre en œuvre un projet ambitieux : le gel des implantations côté israélien, la normalisation des relations avec Israël du côté arabe, la création d'un Etat palestinien démilitarisé dans les quatre prochaines années, et aucun "droit au retour" pour les réfugiés palestiniens. Egalement sur son agenda : la volonté de créer une coalition plus large qui devra s'opposer à l'Iran. Si Netanyahou ne joue pas le jeu, il risque de placer son pays dans une situation délicate vis-à-vis de son seul véritable allié.
Poids lourd contre poids moyen
Itzhak Rabin et Ariel Sharon étaient considérés par leurs homologues américains comme des hommes d'Etat très expérimentés et traités avec respect et déférence. La rencontre de lundi dernier a donné lieu à un tout autre scénario.
L'entretien Obama/ Netanyahou a davantage pris des allures de match entre un poids lourd et un poids moyen. Du moins, le langage corporel des deux hommes le laisse entendre : assis confortablement dans son fauteuil, Obama était confiant, détendu et détaché. Netanyahou, peu habitué à voir ses arguments contredits par son interlocuteur, oscillait entre marques d'agitation, regards plaintifs vers le président ou encore visage pointé vers le sol lorsque ses arguments apparaissaient comme les plus faibles.
Apparences mises à part, la rencontre a révélé le fossé qui sépare les deux hommes. Le camp Netanyahou voulait faire porter les discussions sur le terrain de la menace iranienne. Mais Obama a exprimé sa fermeté sur ce sujet en privé et non pas en public. Pour le camp israélien, le combat contre l'Iran devait apparaître comme une priorité préalable avant toutes négociations avec les Palestiniens. Sur ce point, Netanyahou a échoué.
Au lieu de cela, Obama a lourdement insisté sur le processus de paix, une question insoluble même pour les gouvernements israéliens les plus flexibles. Ces dernières années, la diplomatie israélienne a essayé de faire entendre à la communauté internationale que stopper l'Iran pourrait entraîner des améliorations dans les discussions avec les Palestiniens. Les réponses ont souvent été sceptiques. Les diplomates et les chefs d'Etats étrangers répliquent poliment que les deux processus doivent être menés simultanément.
Mais Obama, lui, a complètement suivi l'autre voie : "Imaginez le coup porté au Hezbollah et au Hamas si les négociations donnaient aux Palestiniens un peu d'espoir", avait-il déclaré. Imaginer est une chose facile. Mais la réalité est une autre affaire. Le précédent Premier ministre israélien, Ehoud Olmert, n'avait pourtant pas ménagé ses efforts pour faire aboutir les négociations. En vain. Les espoirs d'un Gaza libre après le départ d'Israël se sont évanouis après le coup de force du Hamas.Selon la majorité des Israéliens - dont Netanyahou -, même les Palestiniens les plus modérés ne sont pas prêts à accélérer la réconciliation avec l'Etat hébreu, tant que l'Iran et par extension le Hamas et le Hezbollah seront en guerre contre Israël.
Netanyahou : un homme entêté ?
De nombreux Israéliens n'ont pas de sympathie particulière pour les implantations et la plupart sont favorables à leur gel. Mais peu d'entre eux sont convaincus qu'une telle mesure peut vraiment apporter la paix. La méfiance s'est installée dans les années 1990, lorsque le gouvernement Rabin a gelé tous les fonds de construction dans les territoires, avant même que les accords d'Oslo ne soient signés. La paix n'est pas venue pour autant. Le retrait de Gaza en 2005 n'a, par ailleurs, donné lieu à aucune réconciliation avec les Palestiniens. Bien au contraire, il a permis à un éléphant de pénétrer dans un magasin de porcelaine quand le Hamas a pris le pouvoir de l'explosive bande côtière.
L'Autorité palestinienne se révèle tout aussi impuissante à contrôler les zones qu'Israël pourrait rendre. Néanmoins, Obama reste persuadé que le gel des implantations est capable d'inverser la dynamique négative. Ainsi, Netanyahou n'a plus de porte de sortie : soit il défie Obama et maintient l'extension des implantations israéliennes, soit il gèle les constructions et suscite un immense mécontentement au sein de son propre camp. Si Olmert était toujours Premier ministre, il aurait sans aucun doute acquiescé devant Obama. Mais si Bibi devait suivre ce chemin, qu'adviendrait-il du Likoud ? Kadima viendrait-il à son secours ?
L'ancien ambassadeur américain en Israël, Martin Indyk, a noté après la rencontre que "Netanyahou était resté complètement silencieux en public sur la question du gel des implantations." Néanmoins, il a ajouté qu'"en privé, il aurait déclaré qu'une telle chose serait difficile à mettre en place". Peut-être que le Premier ministre israélien pense pouvoir conserver les implantations les plus stratégiques tout en gardant Obama de son côté. De toute évidence, Netanyahou a tort de ne pas soutenir le principe de deux Etats. Ses arguments ne sont pas faux : un Etat palestinien souverain pourrait être la porte ouverte à des alliances militaires et à une augmentation des importations d'armes vers Gaza, dangereuses pour Israël. Mais son opposition catégorique le fait apparaître comme un interlocuteur entêté, jetant le trouble sur sa crédibilité concernant d'autres sujets vitaux pour Israël.
Netanyahou se dit prêt à soutenir l'économie palestinienne et l'entraînement outre-Atlantique du personnel de sécurité palestinien. Obama n'a aucun problème avec tout cela... à condition que ces mesures s'accompagnent du gel des implantations.