Savoir à quoi on appartient

Dans le cadre du Festival du film français en Israël, le public a pu découvrir le premier film d’Elie Wajeman, Alyah. Rencontre.

JFR22 521 (photo credit: Dr)
JFR22 521
(photo credit: Dr)
Elie Wajeman n’en estpas à sa première visite en Israël. Il y est venu jeune, puis moins jeune, etprend plaisir à s’y rendre de temps à autre. Mais ça s’arrête là. Y vivre ? Iln’y a jamais pensé et n’en a ni l’envie, ni le besoin. Pourtant, il a choisid’appeler son premier long-métrage Alyah. Mais il ne faut pas s’y méprendre, lefilm ne parle pas tant d’une arrivée et d’une intégration que d’un départ etd’un déracinement. C’est ce qu’a voulu traiter Elie Wajeman : partir avantd’arriver. « J’ai voulu montrer le préambule de l’Alyah d’Alex – le personnageprincipal. J’ai eu envie de montrer ce qui l’attache à son pays et ce quil’attire en Israël », confie Elie Wajeman.
Diplômé de la Fémis, fameuse école de cinéma, après avoir étudié un temps lethéâtre, il avoue avoir mis un certain temps pour écrire, puis réaliser cefilm. Il a fallu trouver le bon casting, la bonne équipe, cerner le sujet dufilm.
Il explique le début de son travail : « Il s’agissait davantage d’exploiterl’idée de recommencer sa vie plus que d’établir un rapport direct avec Israël.Je voulais montrer ce pays comme un nouvel eldorado, une nouvelle petiteAmérique à conquérir. ».
Alex est un personnage que le réalisateur qualifie lui-même de « vide ». « Ilne sait pas bien qui il est, ce qu’il attend de la vie.
Il déambule dans un Paris peu chaleureux, s’embarrassant d’un frère dépendantde lui.
C’est un jeune homme vide et vidé qui part finalement vers le pays le plusplein. En fait, c’est quelqu’un qui n’a pas de destin et qui veut s’en créerun. » On aurait tendance à penser que l’Alyah se fait majoritairement pour desraisons de convictions religieuses, Elie Wajeman prend le parti de montrer quenon, l’Alyah n’a pas forcément de rapport avec la foi : « Il ne part pas avecdes idéologies plein la tête. Il part parce qu’un travail l’attend là-bas,c’est tout ! » Le film ne traite pas de politique israélienne oumoyen-orientale et c’est peutêtre sa force : ici, pas de pour ou contre, degénéralités sur l’immigration en Terre Promise, mais bien l’histoire d’un hommequi tente de savoir à quoi il appartient. « C’est ça, l’histoire du film : lesorigines. C’est de savoir à quoi et à qui on appartient. »
« Les Juifs dumilieu » 
Elie Wajeman ne voulait pas faire un film sur le sionisme, mais surl’exil, autre caractéristique propre aux Juifs du monde entier selon lui. « Tousles Juifs sont des exilés, où qu’ils soient. J’ai donc eu envie de traiterl’histoire d’un exilé vers la Terre du retour ! », explique-t-il. Et depoursuivre : « Ce sont ces Juifs “du milieu” qui m’intéressent. Ceux qui serendent en Israël sans être religieux, ceux qui partent, plus qu’ils ne veulentvraiment arriver. » Pour se documenter au mieux, le jeune réalisateur s’estfait passer pour un candidat à l’Alyah. Une expérience qu’il traite avecbeaucoup de second degré dans son film : « Je me suis rendu à l’Agence juive deParis et me suis fait passer pour un candidat à l’Alyah. Je peux vous dire quece n’est pas évident ! On se rend compte que beaucoup veulent partir pour untravail trouvé là-bas, un procès qui commence en France, des dettes… Ce n’est pasvraiment un appel de la foi ! ». 
N’ayant pas reçu d’éducation sioniste, il dits’identifier bien davantage aux Juifs apatrides, aux Juifs de la diaspora etqu’il ne se sentirait pas vraiment lui-même en vivant en Israël. « Si j’avaisun super plan là-bas, j’y repenserais sans doute, mais je ne partirais pas pourdes raisons religieuses ou politiques. » Elie Wajeman, dont le film a étéacclamé à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, a reçu un bonaccueil en Israël. Un succès prometteur. Pour la suite ? « J’ai un nouveauprojet en cours… loin du judaïsme cette fois ! ».