Le 11 septembre français ?

Les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hypercacher de Vincennes vont-ils marquer un tournant dans la politique de la France au Moyen-Orient ?

Après l'hommage au caricaturiste Tignous (Bernard Verlhac de son vrai nom) à la mairie de Montreuil (photo credit: PHILIPPE WOJAZER / REUTERS)
Après l'hommage au caricaturiste Tignous (Bernard Verlhac de son vrai nom) à la mairie de Montreuil
(photo credit: PHILIPPE WOJAZER / REUTERS)
Les leaders mondiaux sont partis. Les millions de manifestants se sont dispersés. Les discours ont été prononcés, les rues nettoyées, les victimes inhumées. Maintenant, l’heure est à la remise en cause. De nombreux analystes ont soulevé cette question : les attaques de la semaine dernière constituent-elles le 11 septembre de la France ?
Et qu’entend-on par « 11 septembre » ? Il s’agit d’un tournant. Un moment charnière. Un changement fondamental de perspective et de politique en ce qui concerne le terrorisme.
Un mois après le 11 septembre 2001, le Congrès américain votait le Patriot Act qui donnait au gouvernement les pleins pouvoirs et tous les outils – peut-être trop – pour lutter contre le terrorisme. En juillet 2002, l’ancien président américain Georges Bush prononçait un discours depuis la roseraie de la Maison-Blanche, un discours qui allait bouleverser la politique américaine au Moyen-Orient. Bush y appelait clairement les Palestiniens à se débarrasser de Yasser Arafat – sans toutefois citer explicitement son nom : « J’appelle le peuple palestinien à élire de nouveaux leaders qui ne trempent pas dans le terrorisme […] Aujourd’hui, les autorités palestiniennes ne s’opposent pas et encouragent le terrorisme. C’est inacceptable. Et les Etats-Unis ne soutiendront pas l’établissement d’un Etat palestinien tant que ses leaders ne s’engageront pas dans la lutte contre le terrorisme et ne démantèleront pas ses infrastructures. » Dans ce discours, Bush présentait une vision dichotomique : les leaders mondiaux sont « avec ou contre nous » dans la bataille contre le terrorisme, il n’y a pas de demi-mesure.
Une des nombreuses questions que les atrocités commises à Paris laissent en suspens est comment ces attaques vont-elles influer sur la politique de la France au Moyen-Orient. Une semaine à peine avant les attentats, Paris avait cédé à la requête des Palestiniens et soutenu leur résolution au Conseil de sécurité des Nations unies. Le texte appelait à un retrait complet derrière les frontières de 1967 dans un délai de trois ans, sans même faire allusion à des négociations qui prendraient en compte les inquiétudes sécuritaires d’Israël. La France avait dans un premier temps proposé une version plus modérée de ce texte. Mais, devant le refus entêté des Palestiniens, avait accepté de soutenir leurs demandes maximalistes. Au lendemain des attaques, cette politique va-t-elle changer ?
Certains se demandent : pourquoi le devrait-elle ? Après tout, quelle corrélation existe-t-il entre la politique de la France au Moyen-Orient et la vague de terrorisme qui a touché Paris ? L’attaque contre Charlie Hebdo n’a rien à voir avec le conflit israélo-palestinien. Et pourtant, les deux sont bel et bien liés. Car dans la guerre contre le terrorisme, on ne peut pas brûler la chandelle par les deux bouts.
C’est pourquoi la présence du chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas en première ligne de la marche républicaine dimanche à Paris était si troublante. Le même Abbas qui a formé un gouvernement d’union avec le Hamas, organisation terroriste dont la charte prône la destruction de l’Etat d’Israël et dont les membres assassinent des civils juifs et israéliens sans états d’âme. Le même Abbas qui a envoyé une lettre de condoléances à la famille du terroriste qui a tenté d’assassiner Yehouda Glick, car Glick, comme les caricaturistes de Charlie Hebdo, avait osé blesser la sensibilité musulmane en affirmant que les juifs aussi devraient avoir le droit de prier sur le mont du Temple.
Que les événements de janvier 2015 deviennent « le 11 septembre français » ou pas dépendra de l’attitude de l’Elysée envers l’alliance Abbas-Hamas. Arafat a perdu le soutien de Washington, quand, après le 11 septembre, il a continué à soutenir le terrorisme. Il a apporté un soutien de façade, donnant du sang aux blessés devant les photographes, avant d’être pris en train de faire de la contrebande : l’épisode du Karine A, en janvier 2002. Arafat pensait pouvoir faire les deux. Etre reçu à Washington et commanditer les attentats terroristes qui ravageaient les rues israéliennes à l’époque de la seconde intifada. Bush a eu la clarté morale de rompre tout lien avec lui.
La France fera-t-elle de même avec Abbas ? Refusera-t-elle de faire la différence entre le terrorisme « cacher » qui tue seulement des Juifs et des Israéliens et l’autre terrorisme, qui tue n’importe qui ? Va-t-elle mettre Abbas devant un choix : soit il cesse de glorifier le terrorisme et d’inciter à la haine, soit lui aussi sera isolé ? Va-t-elle dire à Abbas, à la Turquie et au Qatar qu’ils ne peuvent défiler dans une marche républicaine, puis faire le lit du Hamas ? Parce que le Hamas est une organisation terroriste. La France adaptera-t-elle le discours de Bush : « Aujourd’hui, les autorités palestiniennes ne s’opposent pas et encouragent le terrorisme. C’est inacceptable. La France ne soutiendra pas la création d’un Etat palestinien tant que ces leaders ne s’engageront pas dans une lutte soutenue contre le terrorisme et ne démantèleront pas ses infrastructures. » Si cela se produit, les attaques de la semaine dernière auront marqué un tournant. Sinon, alors cette grande marche historique dans le cœur de Paris n’aura servi à rien.
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