Copains comme... politiciens

Jadis rivaux, Silvan Shalom et Binyamin Netanyahou semblent désormais avoir enterré la hache de guerre

De l’indifférence aux confidences...  (photo credit: Reuters)
De l’indifférence aux confidences...
(photo credit: Reuters)

Retournement de scénario. Il y a trois ans, il fallut un grand producteurhollywoodien pour convaincre le Premier ministre Binyamin Netanyahou et sonennemi de toujours au Likoud Silvan Shalom de coexister dans le même cabinetministériel. Mais cette année, Silvan pourrait bien gagner l’Oscar du meilleursecond rôle pour une comédie dramatique qui finirait bien.

Les deux hommes ne se supportent pas depuis des années. En 2005, Shalom seprésente contre Netanyahou aux primaires du Likoud et depuis, par deux fois, lePremier ministre fait avancer les scrutins afin d’empêcher son rival de concourir.Ils n’ont jamais hésité à se critiquer publiquement.

En mars 2009, c’est la guerre ouverte. Netanyahou rompt sa promesse de confierà Shalom le plus haut poste revenant au Likoud dans son nouveau gouvernement. Ala place, il nomme son dévoué Youval Steinitz aux Finances et fait de Shalom leministre de la Coopération régionale dans un Proche-Orient de moins en moinscoopérant.

En dépit des efforts des médiateurs, qui multiplient les allers-retours entreles deux bureaux de la Knesset, Shalom refuse de prendre le poste. Netanyahoucommence à s’inquiéter : à ce rythme, il ne pourra pas rendre publique laformation de son gouvernement, comme il l’a lui-même fixée, le 31 mars à minuitmoins une. Le leader sait qu’il n’est pas bon d’annoncer quelque chose un 1eravril. Alors il fait venir un médiateur international en qui les deux hommesont confiance : le producteur d’origine israélienne, Arnon Milchan. L’homme quia produit Pretty Woman, L.A. Confidential et Mr et Mrs Smith,va trouver le moyen de calmer les esprits. Avec le titre de vice-Premierministre, Shalom représente symboliquement Netanyahou dans près de la moitié deses voyages officiels. Et, alors que Moshé Yaalon possède lui aussi l’honneur,c’est Shalom qui s’assied à la droite de Netanyahou lors des conseilsministériels, un siège traditionnellement réservé au numéro 2 du gouvernement.

Shalom hérite également de l’ancien ministère du président Shimon Peres : leportefeuille du développement du Néguev et de la Galilée. L’élu, élevé à Beersheva,va en profiter pour développer des projets de premier plan pour la périphérie,loin du centre du pays mais proche de son coeur.

Mais Netanyahou n’a pas honoré une partie importante du contrat : faire entrerShalom dans le puissant cabinet intérieur de sécurité. Shalom, en retour, nes’est montré ni soumis ni avare de critiques. Lorsque le Premier ministre seprononce en faveur d’un Etat palestinien à l’université Bar-Ilan en juin 2009,le vice- Premier réplique que les concessions de Netanyahou ne mèneront pas auxnégociations avec les Palestiniens et ne feront qu’accroître leurs demandes.Une prophétie qui s’avère juste lorsque Ramallah demande le gel complet des implantationsen Judée et Samarie.

Quand Netanyahou cède à la pression du président Obama et initie un moratoirede 10 mois, Shalom met en garde contre la création d’un précédent et prédit,avec justesse, que cela ne débouchera pas sur des pourparlers. Plus récemment,Shalom dépasse de nouveau Netanyahou par la droite en s’opposant à la destructiondes avant-postes de Migron et Oulpana jusqu’à ce qu’un accord soit obtenu entreles habitants et l’Etat.

Chaleureuse réconciliation

Mais les relations entre les deux rivaux commencent à changer à compter du2 septembre. Ce jour-là, Netanyahou convie son collaborateur, via un amicommun, à une réunion d’importance. Les deux élus évoquent leur passé avecfranchise et décident de changer de voie. Bibi se montre très clair : il abesoin de Shalom pour séduire les électeurs traditionnels du Likoud en périphérielors des prochaines élections qui s’annoncent difficiles, sur fond de criseéconomique et d’austères coupes de budget.

Au lendemain de cette réunion, Shalom préside le vin d’honneur à l’occasion deRosh Hashana à Or Yehouda en présence de plus de 1 000 militants du parti. Sondiscours est radicalement pro-Netanyahou : à tel point que les membres ducomité central manquent de s’étouffer avec leurs pommes au miel. Le Premierministre apprécie visiblement l’allocution car, quelques jours plus tard, ilsurprend son entourage en serrant publiquement Shalom dans ses bras.

Dans son discours, Shalom loue les efforts de Bibi pour mettre lanucléarisation de l’Iran sur le devant de la scène internationale. Et rejetteles tensions supposées entre Netanyahou et Obama et rapportées par YediotAharonot, journal pourtant détenu par la famille de son épouse, laprésentatrice et célébrité mondaine Judy Shalom Nir-Mozes. “Je me lève lematin, je lis le journal et j’ai le sentiment qu’une guerre a éclaté, non pas avecl’Iran, la Syrie, l’Egypte ou les Palestiniens, mais avec les Etats-Unis”, semoque Shalom. “Je voudrais que vous sachiez que nos relations avec Washingtonsont chaleureuses, amicales et proches. Nous devons apprécier les efforts duPremier ministre pour empêcher l’Iran d’accéder à un arsenal nucléaire”.

Shalom n’a pas souhaité commenter la réunion avec Netanyahou dans les médias,mais déclare au Jerusalem Post que le rassemblement du Likoud est important envue des défis à venir. Et d’affirmer qu’il fera tout son possible pourmaintenir les 27 députés de la faction unis derrière le chef du gouvernement,quelle que soit l’évolution du dossier iranien. “Quand les temps sont durs, l’unitécompte”, proclame-t-il.

Quant aux problèmes personnels entre Netanyahou et Obama, Shalom se faitdiscret : il ne dira rien qui pourrait être perçu comme une ingérence dansl’élection américaine imminente. “Le peuple américain a un choix à faire ettout comme nous ne voudrions pas qu’ils interfèrent dans nos affaires, nous nedevrions pas nous mêler des leurs” pointe l’élu. “Le soutien américain à Israëlest bipartisan. Il l’a toujours été et continuera de l’être”.

La faute aux Russes et aux Chinois Shalom a soutenu les efforts de Netanyahoupour faire fixer une date-butoir à l’Iran par Washington. Il prédit cependantqu’aucune action n’aura lieu avant le scrutin du 6 novembre, mais qu’aprèsl’échéance électorale, il ne sera pas surpris de voir les Etats-Unis s’engagerdavantage sur le sujet, quel que soit le vainqueur de la campagne. Selon lui,empêcher la nucléarisation de l’Iran via des mesures non militaires passe pardes sanctions mondiales contre la banque centrale d’Iran. “Je pense que lessanctions peuvent fonctionner, comme cela a été le cas en Afrique du Sud et enLibye”, analyse-t-il. “La situation économique iranienne est très mauvaise etla dévaluation de la monnaie l’a rendue encore pire.  Les dernières sanctions ont aidé mais n’ontpas convaincu Téhéran de cesser son programme nucléaire. Leurs dirigeants pensentque ce programme maintient le régime au pouvoir. Nous devons faire changercette attitude à 180 degrés et leur faire comprendre que c’est justement cettepoursuite atomique qui les met en danger”. Et le politicien de se plaindre quela Russie et la Chine freinent les efforts internationaux  pour leurs propres intérêts géopolitiques.

Il y a deux ans, l’Iran et la Chine ont signé l’un des plus gros contrats del’Histoire, pour 25 ans de pétrole et de gaz en échange de 30 milliardsshekels. “Les Russes et les Chinois craignent que le Moyen- Orient ne tombeentièrement sous la coupe américaine et que Washington ne s’en serve contreeux”, décortique- t-il. “Moscou craint qu’après la chute d’Assad, la Syrie etle Liban ne passe aux mains des Américains”.

Tout est bien qui finit bien...

Avoir un ancien ministre des Affaires étrangères pour défendre son programmediplomatique pourrait aider le Premier ministre sur les plans à la foisgéopolitique et national. L’alliance entre les deux hommes permettra égalementà Netanyahou de faire avancer des projets d’envergure sur lesquels ils sontd’accord, mais que le chef du Likoud ne pouvait pas promouvoir jusqu’à présentcar ils étaient associés à Shalom. Le meilleur exemple est la semaine de 5jours. En faisant du dimanche un jour chômé, la mesure alignerait l’Etat hébreusur le reste du monde occidental.

Netanyahou avait nommé un comité parlementaire pour faire avancer cette idée enjuillet 2011, avec pour mission de présenter un rapport 6 mois plus tard. Maisce dernier a traîné des pieds et repoussé le moment de rendre ses conclusionspar deux fois. Soudain, les élus parlent de rendre leur rapport “immédiatementaprès les fêtes”, en octobre. Lors de sa rencontre avec le Jerusalem Post,Shalom s’est dit confiant. “Des progrès ont été réalisés”, a-t-il expliqué. “Jepense que désormais mes efforts pour promouvoir un long week-end pourront avoirlieu dans une meilleure atmosphère”.

Il est donc bien possible que les relations apaisées entre Netanyahou et Shalomaccouchent d’un rythme de vie plus serein également pour les Israéliens. Et quel’histoire d’une amère rivalité politique qui nécessita jadis l’interventiond’un producteur de Los Angeles se termine sur un happy-ending hollywoodien.