Le Moyen-Orient selon Trump

Au-delà des phrases chocs de la campagne électorale, la politique du futur président américain dans la région n’a pas l’air très cohérente

Michael Flynn, un des soutiens de Trump (photo credit: REUTERS)
Michael Flynn, un des soutiens de Trump
(photo credit: REUTERS)

Lors du second débat présidentiel, Donald Trump a dû expliquer comment il gérerait la situation en Syrie. Le candidat républicain a répondu par une salve de critiques à l’égard de son adversaire démocrate Hillary Clinton. Il l’a accusée d’être trop dure avec Assad et Poutine, d’armer les rebelles syriens sans savoir qui ils étaient réellement et de renforcer l’Iran en ayant soutenu ce qu’il a qualifié d’« accord le plus idiot jamais signé ». Trump estimait alors que la menace principale dans la région était l’Etat islamique et qu’il fallait donc soutenir ceux qui luttaient contre lui, à savoir le régime de Damas, la Russie et l’Iran.

Mais ce qui manquait dans sa réponse était l’essentiel, à savoir quelle serait concrètement sa politique syrienne s’il prenait les rênes de la Maison-Blanche. Allait-il arrêter de soutenir l’opposition syrienne et supprimer l’assistance militaire déjà minime qu’elle reçoit des Etats-Unis ? Essayer de rallier la troïka Syrie, Russie et Iran dans la guerre contre Daesh ? Et dans le cas d’un tel rapprochement avec Téhéran, comment tenir sa promesse d’annuler l’accord sur le nucléaire iranien ?
La priorité de Trump n’était pas l’international
Aucun autre dossier international ne sera plus important que la Syrie pour le prochain président. La situation est volatile, la guerre implique quasiment tous les pays de la région et a des répercussions bien au-delà. Trump n’a fait campagne que sur la politique intérieure. Il n’a évoqué l’international et le Moyen-Orient que pour proposer de restreindre l’accueil des réfugiés musulmans aux Etats-Unis et de tout mettre en œuvre pour détruire l’Etat islamique. Et même sur ce dernier point, il n’a pas avancé le moindre plan, si ce n’est bombarder les places fortes de l’organisation. Pendant toute la campagne, Trump a alterné entre prises de positions dures, incohérences et non-dits.
Les pays de la région sont donc inquiets. Ils voient toujours les Etats-Unis comme une force stabilisatrice dans un Moyen-Orient chaotique. Une des suppositions que l’on peut faire sur Trump est qu’il ne connaît absolument rien à la région, que ses sorties n’étaient que de la rhétorique de campagne et qu’il fera les choses différemment une fois installé dans le Bureau ovale.
Un des changements, un peu plus certain, qui semble se profiler pour la politique américaine dans la région concerne les liens avec l’Egypte d’Abdel Fattah al-Sissi. Si l’administration Obama gardait ses distances avec le Caire – et son attitude plus que discutable en matière de droits de l’homme –, la relation du raïs avec Trump semble bonne. Il est le premier chef d’Etat étranger à l’avoir félicité après son élection et devrait désormais pouvoir gouverner son pays comme bon lui semble sans craindre les foudres de Washington.
Un cabinet plus interventionniste que le président
D’autres indices sur la future politique régionale du 45e président américain sont à chercher du côté de ceux qui gouverneront avec lui. Pour l’instant, la seule certitude concerne le vice-président élu Mike Pence. Beaucoup plus expérimenté en politique que Trump, il devrait jouer un rôle important dans la prise de décision. Pence est un conservateur républicain traditionnel, fervent soutien d’Israël et interventionniste dans la même veine que l’ancien vice-président Cheney sous l’administration Bush fils. D’ailleurs, l’interventionnisme de Pence et du Parti républicain pourrait représenter une source de conflit avec le président dont la ligne est beaucoup plus isolationniste.
D’autres personnalités devraient peser sur les décisions à l’international. Notamment l’ancien chef des renseignements militaires de l’armée américaine, le général en retraite Michael Flynn, soutien de Trump depuis le début et probable futur conseiller à la sécurité nationale ou secrétaire à la Défense. Mais également l’ancien maire de New York, Rudy Giuliani ou l’ancien ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, John Bolton, pressentis pour le poste de secrétaire d’Etat. Tous sont plus proches des positions interventionnistes de Pence que de celles du président élu. C’est donc une véritable lutte interne qui va se jouer pendant la transition et après le 20 janvier entre les néoconservateurs proches du parti au pouvoir et les tendances isolationnistes de Donald Trump et de quelques membres de son entourage. En attendant, le Moyen-Orient attend, anxieux de savoir à quelle sauce il sera mangé.
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