Les gaités de l’ONU

Les instances onusiennes ne sont jamais avares de paradoxes

Des représentants de l'Arabie saoudite à l'ONU (photo credit: REUTERS)
Des représentants de l'Arabie saoudite à l'ONU
(photo credit: REUTERS)
Une vieille histoire, sans doute apocryphe, raconte qu’un débat à la commission de l’ONU sur les droits de la femme avait pour objet de définir ce que devaient être leurs droits les plus élémentaires.
Un premier consensus se dessinait sur le fait que chaque femme devait pouvoir jouir du droit à lire et à écrire, puis on en vint au vote. Pour ce faire, il fallut réveiller le représentant de l’Arabie saoudite, un cheikh ventripotent resplendissant dans ses robes blanches qui somnolait doucement. On lui expliqua de quoi il s’agissait ; il se gratta la tête, perplexe, et demanda : « Le droit d’écrire ? A qui ? »
Il faut dire que la condition féminine est vue de façon plutôt patriarcale dans ce royaume ultra-conservateur. Les femmes ne peuvent pratiquement rien y faire sans l’autorisation d’un père, d’un frère ou d’un mari. Pas question, évidemment, de voyager sans cet accord. Par ailleurs, avec ou sans permission de leur gardien, les femmes n’ont pas le droit de conduire une voiture. Les malheureuses étrangères venues travailler comme domestiques ne sont guère mieux traitées que des esclaves.
Curieusement, cet état de choses n’a pas empêché la semaine dernière l’élection de l’Arabie saoudite à la commission de la condition de la femme des Nations unies, censée être « le principal organe intergouvernemental mondial dédié exclusivement à la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes […] La commission de la condition de la femme joue un rôle important dans la promotion des droits des femmes. Elle reflète la réalité vécue par les femmes dans le monde entier, et contribue à l’établissement des normes mondiales relatives à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes. » Il convient de souligner que le vote a eu lieu à bulletin secret, ce qui aurait dû permettre aux pays y prenant part – 54 en tout – de choisir en toute liberté et en leur âme et conscience leurs représentants à la commission.
Pourtant selon le directeur de UN Watch, Hillel Neuer, cinq des douze Etats européens membres ont accordé leur vote à l’Arabie saoudite. C’était sans doute en vertu d’arrangements plus ou moins tacites du genre « Je vote pour vous dans les commissions qui vous intéressent et vous voterez pour moi dans celles qui m’intéressent ». Bref, la morale n’a guère sa place dans les calculs des grands. Diverses organisations internationales pourront bien continuer à s’élever régulièrement sur le sort réservé aux femmes dans le monde, la commission des droits de la femme, elle, continuera imperturbablement à utiliser son budget pour des réunions où ses objectifs seront formulés à grand renfort de titres ronflants – « programmes de travail pluriannuels », « organisation de tables rondes de haut niveau » – tandis que le représentant de l’Arabie saoudite continuera à somnoler en paix. Quant aux pays européens l’ayant mis en place, ils pourront continuer à sermonner vertueusement telle ou telle nation ne respectant pas suffisamment les droits de l’homme – et surtout de la femme.
© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite