La voix de l'unité

Entretien avec Rahel Fraenkel, mère courage

Rassemblement de solidarité l'été dernier (photo credit: REUTERS)
Rassemblement de solidarité l'été dernier
(photo credit: REUTERS)
Rahel Fraenkel a été propulsée sur le devant de la scène dans les circonstances les plus tragiques qui soient. C’était il y a tout juste un an, en juin dernier. Son fils de 16 ans, Naftali, était kidnappé et assassiné avec deux autres adolescents, Eyal Yifrah et Gil­Ad Shaer par des terroristes du Hamas.
Rahel Fraenkel est alors devenue la porte-parole des trois familles, au cours de trois semaines de recherches intensives. Veillées de prières, voyage à l’ONU, elle a tout mis en œuvre pour pouvoir « serrer à nouveau son fils dans ses bras ». Trois semaines d’incertitude, d’espoir, qui restent gravées dans la mémoire collective comme des journées de prière et d’unité. Trois semaines au cours desquelles le peuple juif n’est devenu qu’un, espérant le retour de ses trois enfants.
Puis il y a eu la découverte des corps et les funérailles douloureuses, où tout un peuple a pleuré à l’unisson.
L’image qui a peut-être le plus marqué les esprits est certainement celle de cette mère récitant le kadich pour son fils. La première fois qu’une femme religieuse faisait cette prière en public. « Je n’étais pas du tout consciente de la présence des caméras et des regards qui étaient portés sur moi à ce moment-là. Quand on a appelé mon mari ou mon fils aîné pour réciter le kadich, j’ai eu une fraction de seconde pour décider et je me suis lancée. » Frankel, qui enseigne le Talmud et la Halakha à Nishmat – un centre d’études pour femmes de Jérusalem – a derrière elle 12 ans d’enseignement des règles du kadich. « La Halakha est très claire et il n’y avait rien de nouveau dans cela », insiste-t-elle.
Aujourd’hui, Rahel et son époux Avraham sont retournés à leur quotidien. « Je m’occupe de ma famille, j’élève mes enfants », confie-t-elle. « J’étudie et j’enseigne la Torah. Je continue de faire partie de ce monde de la Torah en pleine croissance, dans lequel les femmes ont de plus en plus leur place. » Elle jongle entre ses différentes casquettes, conseillère halakhique sur la ligne directe de Nishmat, conférencière et mère – le plus jeunes de ses six enfants est âgé de 5 ans. Malgré la peine immense, elle reste concentrée sur les choses qui la renforcent.
Si ces tragiques circonstances ont fait d’elle une oratrice très demandée, Rahel Fraenkel est devenue un personnage public en dépit de sa volonté. « Je ne souhaitais pas être sous les projecteurs. Les circonstances m’ont donné un microphone », confie-t-elle. « Mais, je n’ai rien de spécial. Je fais simplement partie de la triste communauté des mères endeuillées. »
Comment sa relation à Dieu a-t-elle changé depuis l’année dernière ? « Etre vulnérable, se retrouver dans une position de fragilité, quand la chose que vous désirez le plus est hors de votre contrôle, donne une immense leçon d’humilité. La prière est devenue plus concrète. Je sais qu’il existe cette notion de perdre la foi, c’est quelque chose que je peux comprendre au niveau psychologique, mais cela reste une option complètement irrationnelle pour moi. Avant cela, des choses horribles étaient arrivées à d’autres personnes, maintenant elles me sont arrivées à moi. Personne ne m’a jamais promis un jardin de roses, personne ne me doit rien… la colère est vraiment une perte d’énergie. »
Pendant les funérailles, Rahel Fraenkel a raconté que Naftali avait une jolie voix et un réel don pour l’harmonie. « Nous allons devoir apprendre à chanter sans toi », avait elle dit. Un an après, y sont-ils parvenus ? « Nous chantons encore, mais nous n’avons plus la même voix, une voix nous manque, il y a un vide dans nos vies. Dans notre vie de famille, nous essayons de garder Naftali présent. Et même en dehors. Car d’une façon incroyable, mon fils de 16 ans a touché la vie de tant de personnes, et de tant de façons. »
« Une des choses que j’ai apprises au cours de cette terrible année, c’est à quel point les gens sont formidables. Il y a eu un magnifique élan de solidarité, et je ressens une sorte de devoir, de responsabilité pour le garder vivant. » C’est dans le cadre de cet effort qu’a été organisée la Journée de l’unité, à la mémoire des trois adolescents.
Rahel Fraenkel s’applique à pérenniser cet esprit de foi et d’unité comme un moyen de faire perdurer la mémoire de Naftali. « L’essence de la Torah est de faire passer un message de génération en génération », dit-elle. Et c’est ce message qu’elle a choisi de transmettre.
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