Nomades sédentaires

Il reste encore sept familles sous la tente dans le parc Sacher de Jérusalem. Foyers démunis, qui exigent de la mairie une solution durable

Nomades sedentaires (photo credit: photo illustrative)
Nomades sedentaires
(photo credit: photo illustrative)

Des enfants comme tant d’autres. Oron et Siral, 6 et 4 ans,sont bien élevés et sortent jouer à la demande de leurs parents. Dans leur cas,“dehors” signifie à l’extérieur de la cabane qui leur sert de maison, dans leparc Sacher. “Nous voulons que la mairie nous trouve une solution durable etréelle”, note Sharon Ben- David, le père des enfants. Voilà 7 mois que lafamille vit dans le parc. “Nous nous sommes installés là avant le mouvementsocial, il faut le souligner : c’était le 7 juillet, une semaine avant que Leefne plante la première tente à Tel-Aviv. Nous ne sommes pas des étudiants, maisune vraie famille. Il ne s’agit pas d’une lutte symbolique, il s’agit d’un vraiproblème. Et nous méritons une vraie solution de la part de la ville et dugouvernement”.

Comment en sont-ils arrivés là ? Acculés par le coût de la vie, répondent lesBen-David. “Nous ne voulions pas quitter Jérusalem, nous voulions élever nosenfants dans la Ville sainte, comme nous l’avons nous-même été”, raconteOshrit, la mère. Mais les factures s’accumulent et ils ne peuvent plus payer leloyer.
seremémore les étapes de leur détérioration matérielle : “A un moment donné, iln’y avait plus d’argent.
Le loyer, la Arnona (taxe d’habitation), l’école, le coût de la vie. Je gagne 5500 shekels par mois et je dois faire vivre 4 personnes. Avec mon salaire, onétait toujours à découvert à la fin du mois. Donc on faisait un emprunt et onrecommençait, mais c’est l’effet boule-de-neige, ça devenait de pire en pire.On est arrivé au point où 80 % de mon salaire partait dans le loyer, il nerestait rien pour vivre”.
Les Ben-David ont d’abord sollicité famille et amis. Au bout d’un certaintemps, camper s’est cependant imposé comme la meilleure solution. Sept famillesvivent dans le coin nord-est du parc Sacher, à proximité des rues Bezalel etItzhak Ben-Zvi. Les abris sont plus ou moins permanents : une femme vit dansune tente, un homme s’est construit un abri fait de toile et de contreplaqué...La plupart des familles ont placé des barrières et des palets autour de leursespaces afin de créer un semblant d’intimité.
Quelques meubles, donnés par des amis, complètent le paysage. “Nous sommes bienplacés, stratégiquement.
Ce n’est pas loin de la Knesset : ils ne peuvent pas nous ignorer”, avance . Il aimerait faireconnaître sa situation au public, et faire comprendre au gouvernement le genrede difficultés affrontées par sa famille. Pour le couple, toute future solutiondevra être permanente et impliquer des logements publics (l’équivalent des HLMfrançais).

Evacuer le campement de fortune

L’habitation des Ben-David est l’une des mieuxsolidifiées du parc. De structure rectangulaire, avec ses murs de toile, elles’étend sur 8 mètres de long et 4 de large. La pièce a été divisée en deux.Dans l’une des “chambres”, des matelas posés côte à côte forment un lit. Dansl’autre, on trouve un canapé et un poêle à bois. y a fixé un tuyau d’échappement pourque la fumée s’échappe à l’extérieur de la tente.

Il a réussi à amasser du bois, empilé dans un coin de la pièce. “Le bois n’estpas cher, bien moins que le chauffage habituel, donc c’est une bonne affaire.
Un de nos amis nous a donné ce poêle.
Toute cette situation m’a montré que les gens sont prêts à aider, mais que legouvernement est incapable de fournir une solution. Ils nous ont proposé une petiteaide au loyer : 2 000 shekels par mois. Mais ce n’est pas assez”.
Une information confirmée par la mairie : toutes les familles du parc Sacherqui pourront fournir un justificatif de contrat de location seront aidées parla ville. Bien que, précise-ton, “la responsabilité ne relève pas de lamunicipalité, mais du ministère du Logement”. Chaque famille continuera derecevoir une aide minimale une fois partie. Si la ville encourage leslocataires du parc à s’en aller, ce n’est pas par “opposition à la protestationsociale, mais bien par souci pour la sécurité et l’hygiène des familles, leparc Sacher n’étant pas habitable”, conclut le porte-parole municipal.
Ben-David se sent délaissée par les protestataires de l’été, rentrés chez eux àl’approche de l’automne. “Le pays nous a abandonnés. Notre situation est unehonte pour Israël”. Il répète cette dernière phrase à l’envi, et l’a mêmeinscrit en grandes lettres sur la tente familiale, suivie de la mention : “Jene suis pas une tortue, je ne porte ma maison sur mon dos”.
Le couple a reçu plusieurs avis d’éviction et a déjà dû se rendre au tribunal àmaintes reprises, la dernière comparution datant du 22 janvier. La Cour deJérusalem leur a donné jusqu’au 10 mars pour évacuer leur campement de fortune.
C’est la mairie, le ministère du Logement et Prazot (compagnie municipale delogement) qui ont porté plainte.
Parmi les documents reçus en même temps que l’ordre d’évacuation : un plan dumarathon de Jérusalem, qui doit traverser le parc. Bien entendu, la ville veutêtre débarrassée de ces SDF d’ici le rendez-vous sportif et international du 16mars.
Sous la tente, comme nos aïeux

Oshrit et se sont mariés en 2005. Enfants d’immigrés marocains, ils ont tous deux grandidans le quartier de Katamon. ,39 ans, est devenu militaire de carrière après son service. Plus tard, iltravaille comme conducteur pour les services municipaux de collecte de déchets.Son épouse, 28 ans, prend soin des enfants. Ces derniers se sont adaptés à leurnouvelle vie, selon leurs parents.

“Ils vont à la même école, à Katamon. Et leurs amis sont bienveillants” déclarela mère. Il y a d’autres enfants dans le campement, et ils ont des camarades àl’école.
Malgré la pluie et le froid hiérosolomytains, Oshrit demeure vaillante : “Nousnous sommes habitués à ces conditions difficiles. Nous ne les craignons plus”.Les gens qui viennent courir ou pique-niquer dans le parc ne les dérangent pasnon plus. Et l’électricité ? “Ça va, ça vient. Nous avons un générateur, quenous utilisons parfois, et un réfrigérateur, mais il sert plus à tenir lanourriture hors de portée des rats qu’à la maintenir au frais”, expliqueOshrit. Elle montre quelques photos prises sur son Iphone de rats pris aupiège.
La famille a accès à l’électricité à l’autre bout du parc, ainsi qu’à dessanitaires : “Il y a de l’eau chaude pour prendre des douches. Là encore, c’estirrégulier, mais on peut se laver”.
estdéterminé à trouver une solution durable pour lui et sa famille.
“Nous vivons comme des chiens, mais je n’ai pas honte de mener cette existencetant que le gouvernement ne change pas sa politique de logement et ne nousfournit pas une réponse.”
La vie à Jérusalem est plus dure aujourd’hui qu’il y a 30 ans selon le père defamille. Mais quelque chose de l’histoire se répète : “Lorsque les nouveauximmigrants sont arrivés dans les années 1950, ils ont vécu sous la tente. Notrecamp de transit d’aujourd’hui ressemble au leur. C’est une honte : nous avonsfait l’armée et il n’y a aucune raison pour qu’on nous jette à la rue. En toutcas, certainement pas parce que la ville a décidé d’organiser un marathon”.