Oulpana : un futur Amona 2 ?

Avec le rejet de la loi sur la légalisation des avant-postes, certains redoutent une flambée de violence en Judée et Samarie

oulpana (photo credit: Reuters)
oulpana
(photo credit: Reuters)

‘Détruisez Oulpana et nous en viendrons tous à regretterAmona”, prophétisait le parlementaire Arié Eldad (Union nationale) jeudi 7juin, au cours d’un rassemblement pour soutenir la légalisation desavant-postes. Et d’ajouter : “Vous verrez comment l’opinion se soulèvera contreun décret intolérable”. Des propos menaçants qui rappellent les émeutesd’activistes de droite pour défendre les 9 demeures de l’avant-poste d’Amona en2006, tandis que des policiers à cheval et armés de bâtons les repoussaient.

Les violences de cette journée d’hiver avaient marqué les consciences. Depuis,Israël vit dans la peur de voir les divisions de la société autour de la Judéeet Samarie et des implantations finir dans en un bain de sang. Peu de bataillespour la défense des implantations juives ont atteint le niveau de violenced’Amona. La résistance avait été intense. Le fruit d’une idéologie qui pousseles habitants à se battre pour ceux qu’ils considèrent la survie de la Terred’Israël. Mais aussi une question de contexte, de topographie et de stratégie.
Amir Peretz était alors ministre de la Défense. Les violences survenues à Amonaétaient en partie dues à la facilité avec laquelle les habitants du Goush Katifavaient été évacués de leurs habitations, l’été d’auparavant. Leurdésobéissance civile avait été menée sous le slogan “l’amour vaincra”. Maisquand les bulldozers ont commencé à écraser leurs maisons, ils ont dû se rendreà l’évidence : “l’amour”, aussi beau soit-il, n’était peut-être pas lameilleure stratégie.
Les jours précédant la démolition d’Amona, le 1er février 2006, les militantsaffluaient donc sur la colline isolée, à l’extérieur de l’implantation d’Ofra,dans la région de Binyamin, en Judée et Samarie. Ils étaient près de 1 500 àêtre venus défendre l’avant-poste de 35 familles. Ils ont pris le temps deprotéger les habitations de planches, barbelés et pneus. Pour tenir tête auxquelque 6 000 soldats et policiers des frontières. Résultats : 85 blessés dechaque côté.
Depuis, les pro implantations en sont venus à croire que le spectre de cesviolences a empêché toute démolition importante d’avant-poste.
Barak, le grand nettoyeur

Mais devenu ministre de la Défense en mars 2007,Ehoud Barak a pourtant réussi plusieurs évacuations jugées dangereuses sansprovoquer les mêmes émeutes. En décembre 2008, il fait évacuer un immeuble dequatre étages à Hébron, appelé Beit Hashalom. Des centaines d’activistescampent à l’extérieur, bien décidés à se défendre. Ils ont installé une largefronde sur le toit pour lancer des pneus enflammés.

“Ceux qui veulent évacuer Beit Hashalom regretteront Amona”, avait déjà menacéEldad. Mais les activistes n’ont jamais pu utiliser leurs armes faites maison.Barak a réussi à encercler le bâtiment un jour de calme. Les militants,certains que rien n’arriverait cet après-midi là, avaient temporairement quittéles lieux. Leurs leaders se croyaient sur le point de parvenir à un accord pouréviter l’évacuation.
Alors que personne n’était sur place, les véhicules de la Police des frontièresse sont hissés jusqu’à l’entrée du bâtiment qu’ils ont immédiatement encerclé,enterrant toute possibilité de résistance.
Même tactique à Hébron. Barak vide rapidement le bâtiment Beit Hamachpelah, parsurprise, en avril dernier. Là encore, les habitants ne s’attendaient pas à unemenace particulière ce jour-là et étaient absents. Tout comme Beit Hashalom, lebâtiment est situé assez loin de toute autre habitation juive de la ville.L’évacuation a été menée en moins d’une heure.
Puis, en septembre dernier, les habitants de Migron auront également eu moinsd’une heure pour se préparer, alors que la police des frontières s’apprête àvenir démolir trois maisons. Le petit avant-poste de 50 familles est localisésur un sommet isolé. La police a pu rapidement bloquer la route aux activistesvenus en renfort, avant de procéder à la démolition.
Un été meurtrier ?

Mais la topographie d’Oulpana est différente. De même que lecontexte. Les chances d’assister à un remake d’Amona sont donc plus importantes.Depuis 2006, les militants d’extrême- droite ont développé la stratégie du“prix à payer”, politique de vengeance contre les Palestiniens, qui laissecraindre une violence alors inexistante en 2006. Comme pour Amona, il y adésormais un compte à rebours pour la démolition : la Cour suprême a ordonné àl’Etat de détruire les cinq bâtiments problématiques d’ici le 1er juillet. Larégion est très peuplée. Oulpana est dotée de 14 immeubles, construits sur 4rangs serrés. Elle est postée à la lisière de Beit El, une implantation de 6000 habitants, abritant également une yeshiva. Barak pourra difficilement sediriger vers Beit El sans donner l’alerte aux habitants et aux étudiants deyeshiva qui viendraient immédiatement prêter mainforte à Oulpana. De plus, l’avant-posteest suffisamment grand pour accueillir les militants qui souhaiteraients’engager dans une nouvelle bataille pour la Judée et Samarie.

Jusqu’à présent les opposants à la démolition d’Oulpana n’ont pas choisi larésistance physique. Ils ont tenu une grève de la faim, fait pression sur desélus, manifesté et monté une tente de protestation. En dehors des commentairesd’Eldad, aucune intention claire de se défendre violemment n’a été exprimée.Les habitants ont seulement évoqué le droit à l’autodéfense et juré de ne pasêtre les premiers à initier les violences. Mais lorsque la loi sur lalégalisation des avant-postes a été rejetée, mercredi 6 juin, ils ont démontéleur tente et parlé de se défendre en manifestant.
Pour des activistes croyants et profondément persuadés qu’ils gardent l’Etat envivant sur les sommets de Judée et Samarie, il sera certainement difficile dene pas avoir recours à la violence pour défendre Oulpana. Qui plus est, avec lesentiment que la justice et les politiques les ont tous laissés tomber cesderniers mois.
L’offre de déplacer leurs maisons n’a pas apaisé les habitants del’avant-poste, car, idéologiquement, cela mettrait en danger les quelque 9 000autres structures juives de Judée et Samarie sans permis et pourrait doncmener, à terme, à un second désengagement.
Le sort d’Oulpana se jouera dans les quelques semaines à venir. Ce qui auraégalement un impact sur Migron, dont la Cour suprême a ordonné la démolitiond’ici le 1er août. De même, l’Etat a promis d’évacuer Givat Assaf avant le 1erjuillet ainsi qu’Amona, dans son intégralité cette fois-ci, d’ici la fin del’année.
Alors que les habitants des implantations lient le sort de toute laJudée-Samarie à celui de 5 immeubles, de graves affrontements semblent difficilesà éviter. Même Danny Dayan, à la tête du Conseil des communautés juives deJudée, Samarie et la bande de est allé plus loin qu’à son habitude en prévenant que les habitants d’Oulpanaavaient le droit de se défendre, tout comme le feraient des résidents de“Tel-Aviv ou de Ra’anana” s’ils devaient perdre injustement leurs foyers.