Une retraite en Terre promise

Ils ne sont pas rares ces Français du troisième âge qui décident de venir couler leurs vieux jours en Israël, souvent motivés par la présence de leurs enfants dans le pays.

Des membres de la communauté française jouent à la pétanque dans un club de Natanya (photo credit: RONEN ZVULUN / REUTERS)
Des membres de la communauté française jouent à la pétanque dans un club de Natanya
(photo credit: RONEN ZVULUN / REUTERS)
Les étudiants ne sont pas les seuls à choisir en masse d’effectuer leur aliya : à l’autre bout du spectre de la vie, le nombre de retraités désireux de s’installer en Israël pour profiter de leur retraite au soleil se multiplie également. Tandis que l’Agence juive organise en France le premier « salon des plus de 55 ans » pour informer sur l’aliya, l’Etat propose à ce public spécifique de nombreux programmes d’intégration et services adaptés, indispensables pour faire face aux problèmes du quotidien et ne pas s’enfermer dans une bulle francophone.
Bien que la majorité de ces sexagénaires, septuagénaires, ou plus – le doyen de l’aliya 2014 avait 104 ans et venait de France ! – choisissent de s’installer dans des villes côtières, comme la tranquille Natanya qui a gagné une réputation de Côte d’Azur française ou Raanana, certains préfèrent Jérusalem. C’est le cas de Myrtil T., qui nous reçoit chaleureusement dans son bel appartement du Sud de la ville, dans une grande tour d’où l’on observe les collines aux alentours.
La réunion familiale, première motivation pour l’aliya
Née en Algérie, elle a passé plus de quarante ans à Boulogne, en banlieue parisienne, avant de faire son aliya en décembre 2011 : à 77 ans. Preuve de la difficulté de cette décision radicale, la septuagénaire a dû s’y prendre à deux fois pour quitter la France : lors de la première tentative en 2009, alors que tous les détails étaient réglés et l’agent immobilier prêt à conclure la vente de l’appartement, « impossible de continuer », s’exclame-t-elle. Elle met alors son projet en pause. Mais lorsqu’elle reprend les démarches quelques mois plus tard, son esprit est beaucoup plus résolu, le processus est rapide – visite à l’Agence juive début 2011 et départ à la fin de l’année – et elle est soutenue tout du long par ses enfants qui habitent déjà en Israël.
Comme de nombreux retraités qui se retrouvent seuls en France après l’aliya de leurs enfants, c’est la présence deux de ses filles à Jérusalem qui motive Myrtil T. à quitter le pays : la première, religieuse, a fait ce choix il y a 22 ans et y vit désormais avec son mari et ses quatre enfants ; la seconde vit en Israël depuis une quinzaine d’années, sur ses trois filles, une étudie en France.
Grâce aux siens présents sur place, la recherche d’appartement sera plutôt aisée pour Myrtil T. qui peut compter sur ses filles pour toutes les démarches administratives, plutôt que de s’adresser au service d’aide francophone du ministère de l’Intégration.
Depuis, la grand-mère comblée va régulièrement au cinéma avec ses petits-enfants et pratique son hébreu avec eux, même s’« ils rigolent de mes piètres tentatives et de mon accent », plaisante-t-elle. L’apprentissage d’une nouvelle langue à plus de 70 ans est en effet l’un des principaux obstacles à l’aliya des seniors. Après un an d’oulpan gratuit – grâce à son statut de nouvelle immigrante – et l’acquisition du vocabulaire de base, Myrtil T. opte alors pour les cours particuliers : « J’aimerais comprendre ce qu’on dit à la télé », explique-t-elle simplement. C’était la même chose pour ses filles, qui ne sont « jamais allées au Talmud Torah » : « nous n’étions pas vraiment religieux, mais plutôt traditionalistes ». Cependant, son intérêt pour le judaïsme connaît un regain maintenant qu’elle vit en Terre sainte et Myrtil T. se rend régulièrement à des cours d’études juives.
Une forte activité communautaire
Pour lutter contre la solitude, l’active grand-mère peut également compter sur les nombreux clubs du troisième âge francophones, qui proposent oulpan, cours de cuisine ou réunions de tricot. Elle reconnaît cependant que « ce n’est pas trop son truc » et préfère les randonnées ou les représentations théâtrales, plus à même d’aider à son intégration dans la société israélienne. Il est vrai que ces oulpanim ne sont peut-être pas la meilleure façon de progresser en hébreu : les anecdotes sur les retraitées qui s’y retrouvent pour discuter avec leurs amies plutôt que d’apprendre sérieusement ne manquent pas ! Mais Myrtil T. reconnaît l’utilité de ces groupes, et de celui de l’Agence juive : elle a bénéficié du programme « Aliya tapis rouge », désormais suspendu (une aliya en 24 heures, avec délivrance immédiate de la Teoudat Zeout et salon d’information à Jérusalem) et ne cache pas l’intérêt du fameux panier d’intégration reçu par tout nouvel immigrant. De plus, le ministère lui verse un complément appréciable à sa retraite d’enseignante, qu’elle continue de toucher sur un compte français.
Elle attend désormais avec impatience l’arrivée d’un groupe d’amis de Boulogne, sa ville d’origine : des sexagénaires « jeunes retraités », avec lesquels elle pourra discuter de la France, dont elle reconnaît avoir « une certaine nostalgie ». Mais elle ne regrette pas pour autant sa démarche et se montre perplexe face à la montée de l’antisémitisme en France : on ne peut plus dire « heureux comme un juif en France », conclut-elle. « Même si ce n’est pas facile de tout lâcher, je suis désormais heureuse comme une juive en Israël ».
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