Un long chemin de rédemption

Il était sur le front, celui du Hezbollah comme celui des médias, et ce conflit lui a coûté sa carrière. Rencontre avec le général de réserve Gal Hirsch qui livre enfin sa vérité

Gal Hirsch et Ehoud Olmert à la base de Biranit (photo credit: GPO)
Gal Hirsch et Ehoud Olmert à la base de Biranit
(photo credit: GPO)
Le général de brigade (réserviste) Gal Hirsch n’oubliera jamais ce moment. Celui où ses hommes de la 91e division d’état-major sont venus lui dire qu’il allait devoir se battre pour sa survie au sein de Tsahal. « Ils sont en train de vous tuer », ont-ils prévenu. « Les officiers de haut rang, dont le chef d’état-major Dan Haloutz, ainsi que des journalistes de premier plan, cherchent un bouc émissaire. » Mais Hirsch n’a pas tenu compte de ces avertissements. « Que suis-je censé faire ? Mobiliser des ressources pour me battre contre l’establishment de Tel-Aviv et Jérusalem ? », leur a-t-il répondu. « Je combats le Hezbollah, c’est la seule mission qui m’a été confiée. » Voilà comment le haut gradé raconte ce moment crucial de la seconde guerre du Liban, dix ans après. « Quand on mène une guerre, la seule chose à laquelle on doit penser est d’accomplir sa mission en abattant l’ennemi. »
Le parfait bouc émissaire
Gal Hirsch est toujours resté silencieux sur ces événements. Il s’est tu durant cette guerre qui lui a coûté sa carrière militaire ; et il a continué à se taire après, durant toute la décennie qui a suivi, consacrant ses forces à rebâtir sa réputation. Mais aujourd’hui, l’homme est bien décidé à rétablir les faits, et à faire connaître sa vérité. Dans sa ligne de mire, son principal adversaire, l’ancien chef d’état-major Dan Haloutz. Le général réserviste en est persuadé : officiers de haut rang proches de Haloutz et journalistes ont œuvré à sa mise à mort sur la scène publique. « Ils avaient besoin d’un bouc émissaire », assure-t-il. « Alors que je me battais au Liban et le long de la frontière, ils m’ont tous poignardé dans le dos et jeté en pâture aux médias. Les critiques sur ma façon d’opérer allaient également bon train sur les réseaux sociaux. On a même parlé du fait de me remplacer en plein milieu du conflit. » Et cet homme blessé de pointer que de telles attitudes ne sont pas en adéquation avec les valeurs, la morale et l’esprit de solidarité qui doivent prévaloir au sein de Tsahal. « Lorsque l’on se sent soutenu par ses pairs, on a envie d’aller au bout de sa mission et de donner le meilleur de soi ». En 2006, l’armée n’a pas seulement fait des erreurs stratégiques dans sa guerre contre le Hezbollah, en s’appuyant uniquement sur les forces aériennes et pas suffisamment sur les troupes au sol ; Tsahal, comme l’affirme Hirsch, a également échoué dans son soutien envers le commandement de combat engagé sur le front.
Aujourd’hui, Gal Hirsch dirige Defensive Shield Holdings (Bouclier défensif), un groupe de consultants internationaux. Dans son bureau de Natanya, des étagères remplies de livres d’histoire et quelques photos encadrées. Sur l’une d’elles, en noir et blanc, on aperçoit des véhicules blindés stationnés au Liban en 1982. Sur une autre datant de 1992, on voit Gal Hirsch rencontrant le ministre de la Défense d’alors, Yitzhak Rabin, à Naplouse. La troisième photo, floue, est celle d’une explosion au cours d’une des nombreuses opérations secrètes menées par Hirsch lorsqu’il était dans les commandos de Tsahal.
Tout commence le 12 juillet 2006 par une attaque du Hezbollah qui tue dix soldats et aboutit à la capture de deux réservistes, Ehoud Goldwasser et Eldad Reguev. En représailles, l’aviation israélienne réplique par une vaste offensive aérienne, suivie par deux semaines de raids au sol en territoire libanais, et enfin, une vaste offensive terrestre de 60 heures. Bilan de ces 34 jours de conflit : 121 soldats et 44 civils tués, et plus de 4 000 missiles lancés en territoire israélien. Dès l’annonce du cessez-le-feu, les accusations d’incompétence et d’impréparation au sein de Tsahal inondent les médias du pays. L’impression qui domine au sein de l’opinion est celle d’un désastre. La controverse fait rage : des Israéliens sont-ils morts pour que l’on assiste finalement à une levée de drapeau du Hezbollah à Bint Jbail ? Les commandants se sont-ils retranchés derrière des écrans plasma, plutôt que de mener leurs hommes sur le terrain ? A moins que ce ne soit les jeteurs de pierres en Judée-Samarie qui aient rendu ces mêmes dirigeants incapables de mener de larges unités de combat dans la bataille…
Le sentiment qui prévaut alors est que le leadership politique et militaire s’est fourvoyé. Gal Hirsch, jugé responsable de l’enlèvement des deux soldats, essuie les plus violentes critiques, ce qui le pousse à démissionner de ses fonctions, après 30 ans passés à servir sous l’uniforme. Avant l’attaque du Hezbollah le 12 juillet, le général était surtout connu pour ses exploits au cours de la seconde Intifada, et considéré comme une figure clé de l’opération victorieuse Bouclier défensif menée en 2002 à Gaza. Après ses études au sein d’une académie militaire, il avait servi lors de la première guerre du Liban comme vice-commandant de l’unité d’élite Shaldag dans les forces aériennes. Gravement blessé en 1998 au cours d’une embuscade terroriste en Judée-Samarie, il avait ensuite repris du service jusqu’à être promu, en 2005 au commandement de la 91e division qui opérait le long de la frontière libanaise. « Les gens, à ce moment-là, disaient même que je ferais un bon chef d’état-major », se souvient-il.
Un homme seul
Lorsqu’il prend le commandement de la 91e division, Hirsch déchante immédiatement : il découvre que les soldats ne sont pas du tout prêts mentalement à affronter l’ennemi. Car jusque-là, personne ne croyait vraiment dans l’hypothèse d’un prochain conflit d’envergure. « Le mot d’ordre au niveau stratégique était alors celui du confinement : il s’agissait d’éviter toute friction avec l’ennemi et de faire en sorte que les zimmerim (villages de vacances) du nord fonctionnent à plein régime pendant l’été. Pour cela, nous ne devions donner aucune raison au Hezbollah de lancer des roquettes sur Israël. Nous avions connu 12 jours de combat contre la milice chiite libanaise cette année-là – ils étaient ceux qui suscitaient le conflit et nous ripostions. » Le commandement de la 91e division était alors chargé de défendre plus de cent kilomètres de frontière, incluant plusieurs dizaines de villages et des centaines de kilomètres de routes empruntées par des civils. Peu après la nomination de Hirsch à la tête de la division, le Hezbollah avait déjà tenté d’enlever un soldat israélien près du mont Dov en juillet 2005, tandis que deux autres tentatives d’enlèvement avaient eu lieu dans les premiers mois de 2006. En regardant au-delà de la frontière, Hirsch avait déjà constaté la présence de milices de l’organisation chiite menaçant directement l’Etat juif. Il avait compris que la guerre était toute proche.
Tel le protagoniste d’une tragédie grecque, Hirsch se montre encore amer dix ans après. Il repense à ceux qui n’ont pas voulu entendre ses avertissements, et voir les véritables intentions de l’ennemi. « J’ai dû batailler pour chaque soldat, chaque pièce d’artillerie et chaque tank », relate-t-il dans son autobiographie Sipour milhama, sipour ahava (Récit de guerre, récit d’amour). Et de souligner comment les ressources qu’il réclamait lui étaient refusées car non prioritaires selon le commandement de Tsahal. « Pendant ce temps-là, le Hezbollah, lui, avait tout le luxe de choisir quand et où attaquer », explique-t-il. Le général se souvient même qu’au lendemain d’un jour où il avait osé répondre à une provocation du Hezbollah, il avait été convoqué à Tel-Aviv et réprimandé. Ses supérieurs lui avaient dit de ne riposter que dans la zone où ses troupes étaient prises pour cibles. « Mais faire cela revient à tirer sur les rochers, je n’ai pas de cibles précises », avait répondu Hirsch.
Retour en 2000. Après 18 ans de présence au Sud-Liban, Tsahal est prise dans un véritable bourbier aux allures de Vietnam israélien. Le sentiment est que la Syrie et l’Iran s’appliquent à saigner lentement l’Etat juif par une guerre d’usure, en soutenant le Hezbollah. Après le retrait des troupes israéliennes en 2000, la milice chiite s’enhardit. En avril 2005, c’est au tour de la Syrie de quitter le Liban après trente ans d’occupation, laissant l’organisation terroriste devenir le seul groupe armé dans le sud du pays. Sans compter qu’il bénéficie du plein soutien de l’Iran sur le plan logistique et financier pour continuer ses opérations contre Israël. Hirsch fait part de sa frustration dès 2005. « Alors que Tsahal a quitté le Liban, cela ne la rend pas pour autant plus mobile pour frapper le Hezbollah au moment de son choix ; la voilà qui attend que ce dernier attaque pour riposter », accuse-t-il. Le général a pour sa part soigneusement préparé la réponse de ses forces à n’importe quel assaut, riposte qui implique l’envoi de troupes au sol en territoire ennemi. Mais en juin 2006, l’attention d’Israël est entièrement portée sur Gaza alors que Gilad Shalit vient d’être enlevé, et sur la Judée-Samarie, qui a vu la victoire du Hamas aux élections législatives du mois de janvier.
Des visions bien différentes
Ce 12 juillet 2006 à 9 heures du matin, les roquettes Katioucha et les obus de mortier du Hezbollah frappent le nord d’Israël. 40 kilomètres de frontière, de Rosh Hanikra à la côte de Dovev, se trouvent prises sous le feu des missiles. Un peu plus tard, des rapports tombent indiquant qu’une patrouille de Tsahal a été attaquée. « Nous avions deux Humvee (véhicules militaires non blindés) qui patrouillaient au nord sur la route entre Shtula et Zarit », raconte Gal Hirsch. Lorsqu’il se rend compte que ceux-ci ne répondent plus, il ordonne le déclenchement de la procédure de prévention des enlèvements. « J’ai d’abord fait en sorte d’envoyer des forces pour bloquer les éventuels ravisseurs ce qui, contrairement à ce que les gens pensent, n’était pas une mince affaire. Il s’agissait d’une véritable offensive de la part de l’ennemi et il a fallu nous battre », insiste le général de réserve. Mais quatre heures plus tard, quand Hirsch revient à son centre d’opérations, dix soldats réservistes ont été tués et deux kidnappés. Alors qu’il semble véritablement revivre ces événements, le général explique avoir compris, à ce moment-là, que la guerre avait commencé. Il dit alors à ses hommes de se préparer à intervenir au Liban. « Le problème est que ni le commandement nord ni l’état-major n’étaient sur le pied de guerre. Jusqu’au 29 juillet, la situation n’a été définie et n’a évolué qu’en fonction du conflit entre Dan Haloutz, Ouzi Adam [commandant du front nord] et moi. »
Si certains qualifiaient déjà la bataille engagée de « guerre », le gouvernement, lui, se refusait encore à utiliser ce terme. Tandis que Hirsch combattait au Liban et que le conflit était entré dans sa treizième journée, la Knesset en était encore à débattre de question sémantique. « Au début, ils ne voulaient pas comprendre, ils pensaient que la riposte serait l’affaire d’un jour. Mais moi, j’étais sur le terrain, et j’ai tout de suite vu que nous étions engagés dans un véritable conflit. A Tel-Aviv ils n’avaient même pas convoqué de cabinet de guerre alors que nous étions en train de saigner ; il y avait du sang sous mes pieds, les tanks faisaient feu et je n’avais pas de permission pour faire appel aux réservistes. »
Dans une réponse écrite aux allégations de Gal Hirsch, Dan Haloutz s’est défendu en disant « avoir apporté à celui-ci tout le soutien qu’il méritait et même plus. » « Gal Hirsch a toutes les vertus d’un officier et d’un combattant, cependant, il a manqué à certaines de ses obligations », a écrit Haloutz. « Dix ans après, au terme d’une campagne victorieuse pour promouvoir sa version des faits, Gal Hirsch continue à faire preuve d’une grande imagination dans un seul but : se dédouaner de toute responsabilité dans les échecs de cette guerre. Mais le fait est qu’il porte une part de responsabilité. Certains officiers de haut rang ont tenté de le remplacer et je m’y suis opposé, tout comme je ne trouvais pas justifié de le remplacer quand il commandait le Shaldag. Je conseille à Gal Hirsch de se concentrer sur le présent, et d’ouvrir les yeux, car s’il est victime de quelqu’un, ce n’est que de lui-même. »
Dans son ouvrage, Hirsch raconte que son poste de commandement était constamment sous le feu des obus de mortiers et des roquettes. Cependant, les décisionnaires israéliens avaient pris le parti de bombarder le Liban et excluaient l’envoi de troupes au sol. Dan Haloutz, ancien commandant de l’armée de l’air, s’était en effet mis en tête de gagner le conflit au moyen de frappes aériennes, à l’image de ce que les Américains avaient fait contre la Serbie en 1990. « De mon côté », dit Hirsch, « j’étais pleinement conscient que l’on n’atteindrait pas notre but en nous contentant de frappes par les airs. » Car Gal Hirsch était déjà allé au Liban. Peu dans les rangs de Tsahal connaissaient le Hezbollah aussi bien que lui et l’avaient combattu autant de temps. C’est ainsi que le fossé entre ce dernier et ses supérieurs s’est accru, jusqu’à ce que leurs relations deviennent carrément empoisonnées. Cependant, la crainte d’un trop grand nombre de morts, à l’origine de la tactique du « tout aérien », s’est rapidement transformée en un cercle vicieux, cette vacance sur le terrain entraînant de fait toujours plus de victimes. « Il est évident qu’il fallait faire de notre mieux pour faire que le minimum de personnes soient tuées, mais le plus important ici était de venir à bout de l’ennemi », martèle Hirsch. Lorsque les officiers qui entouraient celui-ci l’ont prévenu de son lynchage par l’état-major et les médias, ils lui ont précisé que la guerre possédait également une dimension politique. Mais pour Hirsch, il était inconcevable de mêler ces considérations au conflit, en cherchant à satisfaire le public et les journalistes qui exigeaient des résultats immédiats et le moins de victimes possible. La seconde guerre du Liban s’est ainsi jouée sur les plateformes d’information qui fonctionnaient 24 heures sur 24 mais aussi, et pour la première fois, sur les nouveaux médias en ligne et les réseaux sociaux, qui ont largement influencé la perception de l’opinion.
L’autre guerre
Le 14 août, le cessez-le-feu est annoncé : les Nations unies acceptent de déployer des Casques bleus le long de la frontière, tandis que les soldats israéliens commencent à rentrer chez eux. « J’étais très fier de ce que j’avais accompli dans cette guerre », dit Gal Hirsch. « Mais à mon retour, j’ai allumé la télévision, et je n’ai pas pu croire ce que je voyais. La guerre que l’on racontait n’avait rien à voir avec celle que nous avions vécue. Nous n’avions pas perdu une seule bataille. Les forces spéciales et les forces régulières avaient fait un travail formidable. Bien sûr, tout n’avait pas été un succès, tout n’avait pas été parfait, et certaines manœuvres avaient pris plus de temps que ce que nous espérions. Mais les échecs étaient dans la gestion de la guerre, pas dans les combats eux-mêmes. » Hirsch dit avoir même innové au niveau tactique par le fait de « noyer les zones ennemies sous un flot d’hommes, répartis au sein de plusieurs unités. « J’ai évidemment été très peiné des pertes occasionnées dans nos rangs, mais cela fait partie de la guerre, malheureusement. »
La fin du conflit sonne donc le début d’une autre bataille pour Hirsch : celle pour laver son nom. Sévèrement critiqué pour sa responsabilité dans l’enlèvement des deux soldats, il a toujours été persuadé que le temps lui offrirait sa revanche. Forcé de quitter les rangs de l’armée en décembre 2006, il écrit avoir découvert après la guerre que des éléments du renseignement concernant le Hezbollah n’avaient pas été transmis à sa division ; des informations qui auraient conduit à une élévation du niveau d’alerte dans le nord. Mais Hirsch n’a pas été le seul à devoir démissionner en raison de la vindicte populaire et médiatique. Tous ses supérieurs ont été poussés un à un vers la sortie : le commandant du front nord Oudi Adam peu après, le chef d’état-major Dan Haloutz en janvier 2007, le ministre de la Défense Amir Peretz en juin 2007 et jusqu’au Premier ministre Ehud Olmert en juillet 2008, suite au cinglant rapport de la commission Winograd sur la guerre : « Par-dessus tout nous considérons la seconde guerre du Liban comme une opportunité manquée. Israël a initié une guerre qui ne s’est pas soldée par une victoire claire. Une organisation semi-militaire constituée de quelques milliers de membres est parvenue à résister pendant plusieurs semaines à l’armée la plus puissante de tout le Moyen-Orient, qui bénéficiait du contrôle total des airs, mais aussi d’une incontestable supériorité au niveau numérique et technologique. » Le gros des reproches de la commission est allé vers le commandement supérieur, blâmé pour s’être lancé dans la guerre sans véritable stratégie préalable, et pour avoir rechigné à lancer une offensive terrestre.
Lorsque le traumatisme des victimes des batailles Marouna-Ras et Bint Jbail s’est atténué, Hirsch dit avoir trouvé un soutien auprès de ceux qui allaient devenir chefs d’état-major, Benny Gantz et Gadi Eisenkot. Il a ensuite créé Defensive Shield Holdings, entreprise spécialisée dans l’intégration de solutions stratégiques, opérationnelles et tactiques. En 2012, enfin, il a repris du service à l’armée en tant que vice-commandant réserviste du nouveau corps formé la même année, une unité secrète engagée dans des opérations en territoire ennemi. Sa réhabilitation a finalement franchi un pas supplémentaire l’année dernière alors qu’il a été un temps pressenti pour prendre la tête de la police.
Avertissements
Dans son livre, Gal Hirsch parle de la perspective d’une prochaine guerre au Liban et affirme qu’Israël devrait concentrer toute son attention sur le front nord. « La prochaine guerre sera bien pire qu’en 2006 car elle n’impliquera pas seulement le Liban », dit-il. L’arène aujourd’hui est mixte, les événements en Syrie affectent également le Liban. « Nous devons nous souvenir qu’une étincelle en Syrie peut provoquer un gigantesque incendie régional, dont les conséquences s’étendront bien au-delà de ces deux pays. » Et d’affirmer que « le nord est assis sur une charge explosive ». C’est pourquoi, assène-t-il, il sera crucial de savoir identifier la guerre dans ses prémices. Il convient, prévient-il encore, de ne pas se leurrer en pensant que l’on pourra arrêter tous les tirs de missile, perspective inenvisageable à moins de conquérir tout le Liban. « Pour être plus rapides et plus forts, il nous faudra faire preuve de plus d’agressivité. Toutes nos capacités – dans l’air, au sol et en mer, mais aussi cybernétiques et cinétiques – devront agir en parallèle.
« Même si je sais », affirme-t-il, « que notre armée est encore plus performante qu’avant et qu’elle a beaucoup progressé depuis 2006, les forces terroristes aussi ont évolué, que ce soit les Tanzim palestiniens, le Djihad islamique, le Hamas, le Front al-Nosra ou l’Etat islamique. De petites cellules, ces organisations se sont muées en armées de guérilla, ce qui nous contraint à utiliser contre eux nos commandos, et à développer de nouvelles stratégies sur le champ de bataille en ne négligeant pas non plus la cyber sphère. Les forces spéciales sont un élément clé, selon lui. « Il nous faudra envoyer des commandos et des agents des services secrets qui pensent différemment, et qui sont même prêts à enfreindre certaines limites, dans la mesure où l’ennemi lui-même transgresse toutes les règles. Il nous faut des hommes qui travaillent de cette façon, pas comme l’armée régulière qui utilise des manuels. Pour gagner cette guerre, nous devrons également changer nos mentalités, promptes à toujours rechercher les coupables. Les soldats sur le terrain pensent déjà aux enquêtes dont ils pourront faire l’objet, tandis que les commandants de troupes ont peur de prendre des décisions. Les échecs ne relèvent pas forcément de la négligence, mais simplement de la réalité de la guerre. Il nous faut revenir à la mentalité israélienne d’origine : celle de devoir payer parfois un prix élevé pour demeurer sur cette terre. »
Au mois d’août dernier, lors d’une cérémonie marquant la fin de la période de réserve de Gal Hirsch, le chef d’état-major Gadi Eisenkot lui a rendu un bel hommage en forme de justice : « Vous pouvez être fier de ce qu’a accompli la 91e division sous votre commandement durant la seconde guerre du Liban. Le nord du pays vous doit pour beaucoup le calme dont il jouit depuis neuf ans. » Si ces mots arrivaient un peu tard, Hirsch a néanmoins compris que le temps de sa rédemption avait bel et bien sonné.
 
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