Sale temps sur les routes israéliennes

Embouteillages, stationnements en double file, pollution, tels sont les problèmes quotidiens auxquels sont confrontés les automobilistes et les usagers d'autobus.

Ici à Tel Aviv Hashalom. Et si le Ministère des Transports  investissait dans le développement des trains et tramways ?  (photo credit: DR)
Ici à Tel Aviv Hashalom. Et si le Ministère des Transports investissait dans le développement des trains et tramways ?
(photo credit: DR)

Par Avi Sabbah

Les infrastructures routières en Israël sont, pour les habitants, un véritable enfer. Alors que les secteurs du high-tech et de l’immobilier connaissent un essor rapide, celui des transports, au contraire, avance très lentement. Tour d’horizon.

Israel, récemment admis au sein de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) connaît un handicap majeur en la matière, comparé à ses partenaires occidentaux. Pour rappel, Israël se classe parmi les quatre pays de l’OCDE ayant la plus forte densité sur les routes. Ce phénomène, dont souffre la population israélienne depuis 30 ans, refait surface : en plus d’être une perte de temps, les embouteillages et la carence en infrastructures aboutissent à un manque à gagner colossal.

Bien entendu, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne dans l’Etat hébreu. Si Tel-Aviv demeure la ville la plus embouteillée avec une moyenne de 16 minutes perdues pour traverser le tronçon Menahem Begin aux heures de pointe (alors qu’il suffit de 2 minutes lorsque la voie est libre), l’autoroute n° 1 qui mène à Jérusalem arrive en deuxième position, avec des milliers d’Israéliens empruntant cette voie quotidiennement pour se rendre à leur travail.

Pour Gideon Hashimshoni, directeur de l’Institut sur la recherche et le développement des transports, « l’utilisation répétée de la voiture est néfaste sur l’environnement. Pour cela, nous avons examiné toutes les routes afin d’identifier les axes les plus critiques afin de remédier au problème », a-t-il témoigné dans un article paru en octobre 2013 dans The Marker, le quotidien économique de Haaretz. La voiture est responsable de la majorité des émissions de gaz à effet de serre, et utiliser son véhicule à chaque occasion engendre des effets néfastes pour la qualité de l’air.

Un service public qui fonctionne mal

Encourager l’utilisation des transports en commun serait une bonne idée, mais à quel prix ?

Le réseau routier d’Israel comprend 15 000 km de routes et d’autoroutes qui relient Tel-Aviv à Haïfa, Jérusalem et Beersheva.
De ce fait, les lignes publiques d’autocars sont assurées par des entreprises auxquelles le ministère des Transports a accordé une autorisation. Traditionnellement, la plupart des lignes sont gérées par deux coopératives, Egged et Dan. Mais le plus étonnant reste le fait qu’Egged reçoit des subventions publiques qui se chiffrent à des millions de shekels par an. Selon le rapport publié par l’association Amon Hatzibour en février 2013, le réseau des transports a été sacrifié sur l’autel de ces deux compagnies, qui n’offrent pas assez de places aux heures de pointe. Les exigences d’Egged sont non seulement élevées, mais la coopérative investit peu dans la relation client – du moins dans la pratique. La preuve la plus frappante vient du fait que le service client fonctionne une fois sur quatre. Et obliger le chauffeur à s’arrêter aux stations relève du parcours du combattant.
Pour remédier à cet obstacle, il est urgent de confier les lignes à des opérateurs sélectionnés par des appels d’offres, comme c’est le cas dans le secteur de l’immobilier depuis des années, ou bien celui de la téléphonie mobile depuis deux ans.
En Europe, les politiques publiques encouragent les automobilistes à laisser leur voiture au garage et développent des pistes cyclables. Qui plus est, plusieurs agglomérations rendent d’ores et déjà gratuits les transports en commun lors des pics de pollution.
Et si ces trains de ville circulaient massivement à Tel-Aviv ?

«Peut-être qu’un jour nous aurons un métro à Tel-Aviv»

Tamar Keinan, directrice de l’association « Transport Today And Tomorrow » a décidé de mettre l’accent sur l’alternative aux bus : « Le principal objectif de notre projet est d’améliorer la fluidité du trafic dans la métropole israélienne et de promouvoir les échanges entre tous les acteurs de la vie publique », précise-t-elle sur le site internet de l’organisation.

Créée en 1998, celle-ci vise à encourager l’usage des transports publics et du vélo. Elle se considère comme un pivot entre les sociétés du secteur et les ministères des Transports et des Finances. « Nous collaborons avec plusieurs partenaires tels que des urbanistes, des ingénieurs, et des membres du conseil municipal par le biais de séminaires et notamment à l’occasion de la journée annuelle des transports publics », explique-t-elle. Ces efforts sont déjà mis en œuvre dans certaines régions du pays mais sont encore à un stade précaire.
Par exemple, le tramway de Jérusalem, qui, selon son constructeur Veolia Transport, achemine 130 000 voyageurs par jour, est déjà sous le feu des critiques : trois ans après sa mise en service et un retard considérable (initialement prévu en 2006), le train de ville ne propose qu’une seule liaison et les horaires, notamment le soir, ne sont pas respectés.
Pourtant, le Premier ministre Binyamin Netanyahou avait évoqué en présence de François Hollande qu’« avant de changer le monde, nous devons aider les gens à bouger. [...] Vous, vous avez des sociétés de transports extraordinaires. Peut-être qu’un jour, nous aurons un métro à Tel-Aviv », a-t-il lancé lors du dernier voyage diplomatique du président français en Israël. Même son de cloche pour les cabinets de recherche en innovation. Nadav Meroz, directeur de la planification générale des transports, se veut optimiste : « 10 % des Israéliens empruntent le train et beaucoup abandonnent leurs voitures pour les transports en commun », a-t-il déclaré à The Marker.
Gideon Hashimshoni, directeur de l’Institut sur la recherche et le développement des transports, pense, lui, avoir trouvé la solution au problème : il faut réduire l’usage de la voiture individuelle et inciter les riverains à emprunter les transports en commun. On parle déjà d’un tram ou d’un métro à Tel-Aviv mais malheureusement, les choses avancent lentement. »
Pour Aviv AMCG, cabinet de conseil en infrastructure routière, « le transport public est de loin la meilleure option », mais la société rappelle qu’il faut investir dans des moyens plus rentables comme les tramways et les pistes cyclables ».
Pour le moment il n’existe « que » quelques lignes de voie ferrée et un tramway pour 8 millions d’habitants, avec l’exploitation d’un territoire de la taille de l’Ile-de-France. L’Etat, de son côté, doit pousser les constructeurs et les entreprises concernées à faire des efforts sur l’aménagement du transport routier. L’enjeu est véritablement national. 

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